POUR SON PARCOURS ÉLOGIEUX : L’épopée de Marietta Gonroudobou retracée par Dino Renaud Adohoueto

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Aujourd’hui Docteure d’université, Marietta Gonroudobou, originaire de Kouandé a eu un parcours exceptionnel pour être au niveau actuel. Partie du Bénin pour le Japon afin de poursuivre son rêve, Docteure Gonroudobou a su se plier en quatre pour subvenir à ses besoins et étudier dans un milieu peu familier à celui où elle a grandi. Le récit de cette jeune Docteure est exposé par Dino Renaud Adohoueto. Lisez plutôt.
La Rédaction

«Marietta GONROUDOBOU a obtenu son baccalauréat au Collège Saint-Augustin des sœurs de Natitingou, où elle a fait de la Maternelle en Terminale. Avec ses amies Prisca Tidjani, Myrtille Esteve, Gloria Tossou, Falonne Zomahoun, elles formaient un groupe de filles très complices. Après l’obtention de son BAC, Marietta, férue de littérature voulait faire des études de communication ou de journalisme. Mais c’est plutôt vers la médecine qu’elle s’est tournée. Après deux années infructueuses à la faculté de médecine de Parakou, elle décida de faire un BTS en Chimie et Contrôle de Qualité. C’est ainsi qu’au lieu de commencer en première année, elle démarra directement en 2ème année à HECM Parakou, et obtient son BTS.
La native de Kouandé migra l’année suivante à Porto-Novo pour sa Licence en Contrôle de Qualité et Génie Agro-alimentaire. Après sa licence, elle saisit l’occasion offerte par un partenariat entre l’université d’Abomey-Calavi et l’université de Yamagata pour se rendre au Japon. Ce partenariat d’un an qui ne prend en charge que la scolarité permet d’apprendre la langue japonaise et de s’imprégner de la culture nipponne. Le billet d’avion, le logement, le transport, la restauration et tout le reste sont à la charge de l’étudiant.
L’avion de Marietta atterrit en Avril 2016 à Tokyo, où elle passe deux jours auprès du responsable de l’ONG Ayina qui a facilité le partenariat. De Tokyo, elle prend un train pour Yamagata. L’université a instauré un système de tutorat. Les tuteurs les attendaient à la gare. Chaque étudiant a un superviseur. En même temps qu’ils sont leurs superviseurs à l’université, ils les aident aussi à s’insérer dans la société.
En Avril, c’est le festival des Sakura. Les Sakura sont des cerisiers à fleurs dont il existe de très nombreuses variétés. Lorsque les bourgeons s’épanouissent dans les parcs et dans les rues de tout le pays, les gens organisent des pique-niques et des hanami (contemplation des fleurs) pour apprécier la beauté éphémère des fleurs et accueillir les beaux jours. Les sakura suscitent une véritable fascination chez les Japonais. Freddy Yu, un Taïwanais naturalisé Japonais est le superviseur de Marietta. Il profite du festival des Sakura pour trouver du boulot à son étudiante. Il n’y a pas de temps à perdre. Il faut aller au charbon. Marietta aide en cuisine en même temps qu’elle est serveuse. Le changement de climat, les contraintes de travail imposent un nouveau rythme à l’ancienne étudiante de Parakou qui tombe malade trois semaines après son arrivée au Japon. Mais elle serre les dents, car elle est payée à l’heure. Le festival n’a duré qu’un mois. Il faut faire face aux charges.
Quelques jours après la fin du festival des Sakura, Freddy Yu trouve un autre job à Marietta auprès de Mr Pradeep Manadar, le patron d’un Bar-restaurant Népalais appelé Himalaya. Le promoteur apprécie cette Africaine déterminée qui vient d’arriver et qui est toujours disponible pour travailler. Il voit bien que les heures que fait Marietta au restaurant ne lui permettent pas de gagner assez d’argent. Le patron de l’Himalaya lui trouve quelques heures de travail dans le restaurant en face appelé Nico Donut. C’est un restaurant-pâtisserie tenu par Mme Takako, une Japonaise. Marietta travaille en semaine les soirs à Himalaya et les week-ends, elle est à Nico Donut. Les cours se déroulent du lundi au vendredi de 8h à 17h.
Quelques semaines après son 2ème boulot, Marietta ajoute un 3ème job aux deux autres. Cette fois-ci, c’est dans un restaurant de Sushis du nom de Horai Sushi. Si elle accumule les petits jobs, c’est pour plusieurs raisons. L’étudiante doit non seulement faire face aux charges habituelles, mais elle ne pense pas retourner au Benin après son année linguistique et culturelle qui court d’Avril 2016 à Mars 2017. Elle veut continuer en Master. Pour cela, il lui faut de l’argent pour préparer le test d’entrée. Elle habite dans une résidence universitaire où il y avait de nombreux étrangers : Chinois, Américains, Anglais, Allemands, Espagnols, Portugais, Africains, Brésiliens… Quand elle rentre très tard la nuit, les autres dorment déjà. Et quand il lui arrivait de rentrer un peu plus tôt, le premier réflexe est d’étudier, car il y a un test crucial qui l’attend et sans lequel il lui sera impossible de prolonger son visa.
Le test d’entrée en Master se fait en Anglais et en Japonais. Prévoyante, Marietta apprenait l’anglais en même temps qu’elle étudiait le japonais. Le dépôt des dossiers pour le test d’entrée en Master s’est fait en Juin 2016. C’est bien de vouloir faire le master, mais la filière qu’elle a faite en licence ne se retrouve pas dans son université. La filière qui se rapprochait le plus était l’agronomie. Elle passera le test d’entrée en master pour faire l’agronomie. Freddy Yu n’est plus le superviseur de Marietta. Son nouveau superviseur est le professeur Takashi Nishizawa. Ce dernier lui passe d’anciennes épreuves dont elle se sert pour faire des recherches personnelles qui lui permettent de faire des fiches. Ce sont ces fiches qui lui ont servi de supports pour préparer le test qui se déroule début Septembre 2016 et comporte deux matières : production végétale et pathologie des plantes. Apres l’écrit, il y a un entretien où sept professeurs titulaires Japonais font un examen oral en anglais et en japonais aux étudiants. Elle a réussi au test.
Marietta GONROUDOBOU entame un master-recherche de deux ans en Avril 2017. Pour faire le master, elle a déménagé de Yamagata pour Tsuruoka à deux heures de bus de Yamagata.
Avant de laisser Marietta continuer avec le professeur Takashi Nishizawa, Freddy Yu donne encore un coup de main à son étudiante. Il sait que pour faire le master, il faut les moyens. Son étudiante n’a pas de bourse. Freddy Yu qui est d’origine Taiwanaise avait bénéficié de la bourse du Rotary. Il a même été le président des anciens boursiers du rotary. La bourse n’est accordée qu’aux étrangers. Freddy Yu recommande Marietta. Mais la recommandation seule ne suffit pas. Il faut passer un test écrit en japonais. La sélection est rude. Mais Marietta obtient la bourse du Rotary pour deux ans. Elle fut la première Africaine à l’avoir obtenue dans le district. Cette bourse lui a permis non seulement de bénéficier d’une aide financière chaque mois, mais aussi de mieux s’intégrer dans la société. Après quelques mois en tant que boursière du Rotary, Marietta rejoint le Rotaract qui est un Rotary pour les moins de 30 ans. Elle a un parrain. C’est Mr Fujikawa. En tant que boursière du Rotary, elle a l’obligation de faire des rapports mensuels au club afin de montrer comment elle évolue dans ses études à l’université.
La première année du master-recherche de deux ans n’a rien à voir avec l’année précédente où il fallait juste apprendre le japonais, s’imprégner de la culture japonaise et visiter des sites. Au Japon, en master, c’est 80% de pratique et 20% de cours. Les cours sont des séminaires qui se déroulent selon un ordre. Chaque étudiant vient présenter un article relatif à son thème ou à sa recherche en expliquant l’évolution de ses travaux. Les autres donnent leurs avis, posent des questions. Ce qui permet à l’étudiant de savoir quoi améliorer. Il y a un enseignant qui dirige le séminaire. C’est souvent l’enseignant de l’étudiant qui présente son article.
Pour la pratique, une partie se passe au laboratoire. Dans un laboratoire, vous avez entre 10 et 14 étudiants au maximum. Au Bénin la fréquentation du laboratoire n’était pas régulière. Ce sont plutôt des cours théoriques qu’il faut mémoriser et aller composer. Et ce n’est qu’à la fin qu’il faut aller faire 3 ou 6 mois de stage. Il a été difficile pour l’ancienne étudiante de Parakou de s’adapter au début. Les japonais sont déjà habitués à un standard de discipline, de rigueur, de ponctualité. La culture japonaise est une culture ou vous apprenez beaucoup de vous-même. Vous regardez faire, vous prenez note, vous échouez jusqu’à ce que vous réussissiez.
Marietta est passionnée par l’agronomie comme si c’était dans son ADN. Elle apprend vite et bien. Elle rédige son protocole de recherches qu’elle fait valider par son enseignant. En dehors des séminaires et des travaux au laboratoire, l’étudiante est aussi dans les serres, puisqu’elle fait de la production végétale. Les serres sont des constructions légères à parois translucides permettant de créer pour les plantes de meilleures conditions de végétation que les conditions naturelles. Elle veut un environnement sain pour ses expérimentations afin qu’il n’y ait pas de contamination extérieure. Son travail porte sur les tomates. Elle plante les graines qu’elle laisse grandir. Pour la récolte, cela dépend de la variété de la tomate et de l’objectif visé. Généralement, c’est de 3 à 8 mois. Une fois qu’elle a récolté les tomates, elle va les traiter au laboratoire en faisant une série d’analyses. L’étudiante présente son travail à son superviseur le professeur Takashi Nishizawa afin qu’il voie l’évolution de ses recherches. A la fin de la première année de master, elle refait le même exercice, en exposant les expérimentations faites au cours de l’année. Elle fait un bilan à partir duquel elle programme les travaux à faire l’année d’après. Ensuite, c’est le plan de rédaction et la rédaction du mémoire. Elle apprend à conduire une expérimentation, une recherche et à rendre compte du travail.
L’ancienne élève du collège Saint-Augustin de Natitingou a fini les deux ans de Master-recherche avec succès. Mais elle ne veut pas s’arrêter là. Elle veut faire sa thèse de doctorat.

Marietta GONROUDOBOU démarre sa thèse en octobre 2019. Elle est de trois ans. Deux ans pour faire les expérimentations, 6 mois pour essayer de publier vos recherches et quand la publication est acceptée, c’est le dépôt de mémoire, trois à six mois avant la fin de l’année de thèse.
Pour le master-recherche, Marietta avait bénéficié d’une bourse du Rotary. Maintenant elle n’a plus de bourse. Elle a dû chercher du travail. Elle donne des cours de Français et d’anglais au centre international de Tokyo. Elle a trouvé aussi un petit job au luxueux hôtel Tokyo Daichi où elle travaille à la réception. De plus le gouvernement japonais lui a accordé une mini-bourse en tant qu’assistante de recherche à l’université. Avec son superviseur, ils régulent les travaux dirigés et les travaux pratiques avec les étudiants des 2ème et 3ème année.
Pour sa thèse de doctorat, Marietta a pu publier son article sept jours avant la date de clôture sous le titre de : « Boron Deficiency Enhances Microcracking In Tomato Fruit during Summer » ; ce qui pourrait donner en français : « Le manque de bore augmente la probabilité de micro fendillement de la tomate en été. ». Elle a soutenu brillamment sa thèse de doctorat en Septembre 2022.
En 2021, Marietta a été consultante auprès de l’ambassade du Bénin au Japon. Elle avait eu pour mission de faciliter le partenariat entre l’ambassade du Bénin au Japon et l’université de Yamagata en procédant à une revue des universités et écoles japonaises en agriculture, assortie d’un classement en adéquation avec la stratégie de mise en œuvre des Lycées Techniques Agricoles par le gouvernement béninois. Elle a aidé à définir les modalités et conditions d’entrée dans ces établissements en faisant une analyse des curricula et diplômes offerts. Ensuite elle a formulé des propositions pour l’ambassade en vue d’une implication des universités et écoles japonaises dans la stratégie de mise en œuvre des Lycées Techniques Agricoles modernes au bénin.
Pendant sa dernière année de thèse, elle a été la présidente du Rotaract. Cette présidence lui a permis de suivre des formations sur le leadership et d’assister à des congrès régionaux et nationaux. Le thème de son mandat était « Share love».
Docteur Marietta GONROUDOBOU rentre au pays en décembre 2022. Mais elle était déjà connue sur les réseaux sociaux où, effectivement elle partage son amour de l’agriculture. Elle est la fondatrice de la Startup Agro-Hikari. Au départ, il s’agissait d’un blog personnel qu’elle avait initié pendant le COVID 19. L’inactivité due à la pandémie lui a donné l’idée de créer cet outil. Au début, elle partageait ses expériences pour montrer ce qu’elle faisait. Les internautes sont émerveillés par la simplicité et le naturel de cette femme passionnée d’agriculture qui s’affiche dans ses serres, loin du glamour et du rêve habituels qu’aiment bien nous vendre les réseaux sociaux. Les demandes affluent. Alors pour faire face aux nombreuses sollicitations, elle a décidé de mieux se structurer. C’est ainsi qu’est née sa startup Agro-Hikari.
Parmi les nombreux messages qu’elle reçoit, les messages des femmes intervenant dans l’agriculture attirent son attention. Dans le but de les soutenir dans leur épanouissement professionnel et financier, elle a lancé il y a deux ans « Agro-Hikari Challenge ». Les candidates présentent aux internautes des vidéos de 5 à 7mn dans leur environnement de travail. Des récompenses sont offertes aux meilleurs contenus. Ce Challenge est très apprécié car il donne de la visibilité et de la confiance aux femmes qui bénéficient des milliers d’abonnés des plates-formes sociales d’Agro-Hikari.
A Agro-Hikari, il y a aussi une rubrique dénommée « Agro Hikari pépites » qui permet de faire la lumière sur les jeunes chercheurs africains éparpillés aux quatre coins du monde.
La structure Agro-Hikari est basée à Parakou. Le 16 Septembre 2023, elle a organisé Hikari Pique-Nique. Ce grand moment de réseautage qui s’est déroulé dans une ferme dans la commune de N’dali a été une occasion de rencontres où tout en parcourant un grand espace agricole avec différentes spéculations, les participants ont partagé leurs expériences. Il y a eu également des expositions de produits. Le talentueux Wassiou Chitou, toujours avec son aisance dialectique était présent pour assurer la communication. Au vu de l’engouement suscité par ce Hikari Pique-Nique, nul doute qu’il s’affiche déjà comme un label.
Agro-Hikari a été déjà récompensé à plusieurs reprises. Préalablement présélectionnée parmi les 11 meilleures startups innovantes développant des solutions Tics pour l’agriculture lors du hackaton du programme Approche Communale pour le Marché Agricole (ACMA3), Agro-Hikari a défendu lors de la phase finale par un pitch la solution PAD Hikari (pulvérisation avec les drones) devant un jury. Agro-Hikari a été sélectionné parmi les cinq meilleures startup innovantes pour le compte de la troisième phase du programme porté par le consortium IFDC, CARE Bénin/Togo et financé par le Royaume des Pays-Bas.
En dehors des récompenses obtenues par sa structure, Docteur Marietta GONROUDOBOU a reçu aussi de nombreuses distinctions individuelles.
Depuis son retour au Pays, Docteur Marietta GONROUDOBOU est très sollicitée pour son expertise. L’année 2023 a été une année très chargée pour elle. Voici quelques-unes des activités qu’elle a menées :
– Organisation et participation au colloque international sur « l’avenir du multilatéralisme africain » organisé à Cotonou
-Organisation du CIAAF Panel sur le thème “Terrorisme et sécurité alimentaire au Bénin”.
-Participation au mini colloque sous régional sur « les médias et le terrorisme en Afrique de l’ouest et au sahel»
-Modératrice de travaux au dialogue intercommunautaire sur le thème « documenter les obstacles et défis à la coexistence pacifique et à la cohésion sociale » réseau REcAP
-Citoyenneté et devoirs patriotiques : les jeunes s’engagent dans la cité.
-Innovations environnementales pour l’égalité des sexes.
-Salon National de l’orientation professionnelle et de l’inclusion financière du 08 aout au 11 aout 2023.
Elle occupe également un rôle de chercheure au sein du Think Thank CIAAF (Civic Academy For Africa’s Future) où elle dirige le groupe de recherche sur l’agriculture et le climat.
Marietta donne des cours en tant que professeur vacataire à l’université de Parakou. Elle a en charge les Master 2 en Culture Ornementale et Fruitière et aussi les licences en Culture Maraichère et Fruitière.

Le Papa, Germain GONROUDOBOU qui est un grand Ingénieur agronome aime que les enfants étudient, mais il veut aussi qu’ils soient pratiques et concrets. Marietta, l’aînée a bien saisi le message et a su montrer la voie.
Hervé GONROUDOBOU, le frère cadet est aussi agronome. Il a fait de l’agro-foresterie et a soutenu sa thèse de doctorat au Japon en 2022. Il est expert en télédétection, spécialiste en analyse d’imagerie drone à l’université de Torino en Italie où il fait un post-doctorat.
Un autre jeune frère, Ange Marie GONROUDOBOU est aussi agronome. Il a fait de l’agro foresterie également, option énergies renouvelables. Il a soutenu son master.
Agro-Hikari de Dr Marietta GONROUDOBOU offre plusieurs services :
-Services agricoles : Production, installation et suivi des fermes, master class pour les entreprises désirant former leurs personnels.
-Communication : couverture photo et vidéo des évènements scientifiques, colloques, projets, reportage pour la visibilité des entreprises agro-alimentaires etc…
-Formation en ligne et accompagnement en anglais : apprentissage de la langue, traduction, proofreading.
-Prestation de services sur la technologie de drones en agriculture (pulvérisation, cartographie, analyse de l’état des plantes et du sol).
Le parcours de la Béninoise Docteur Marietta GONROUDOBOU est une source d’inspiration, témoignant de son dévouement pour l’éducation, l’innovation agricole et le soutien aux femmes agricultrices, tout en la positionnant en tant que leader du changement dans le secteur agricole en Afrique.
Docteur Marietta GONROUDOBOU, appelée la Chicfermière est un modèle de réussite. Une valeur sûre pour notre pays.
Dino Renaud ADOHOUETO»

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