L’importance de la consommation des fruits et légumes n’est plus à démontrer. Leurs apports nutritionnels contribuent considérablement au bon fonctionnement de l’organisme et au bien-être humain. Cependant, les pratiques de production des légumes laissent à désirer au Bénin. Ainsi, il est de plus en plus constaté l’utilisation des intrants chimiques parfois à outrance dans la production de ces légumes. Des pratiques culturales qui ne sont pas sans conséquences dans la vie des consommateurs. Un véritable problème de sécurité sanitaire des aliments qui interpelle la chaîne des acteurs des consommateurs. Face à cette problématique de santé publique, il est urgent que les gouvernants prennent des décisions fermes afin de faire adopter aux producteurs, l’utilisation des intrants organiques pour préserver la santé des populations.
Wilfried AGNINNIN
Des intrants chimiques sont utilisés dans le maraîchage au Bénin. Dans les champs et jardins, difficile pour les producteurs de respecter les normes en matière de production maraîchère. A la recherche d’une grande quantité de production, le surdosage est d'intrants est souvent fait sur les cultures. Des engrais chimiques, pesticides, herbicides et autres sont ainsi utilisés.
En effet, les légumes font du bien à l’organisme avec des apports en vitamines et minéraux, en fibres alimentaires et en antioxydants. L’Oms/Fao recommande d’ailleurs la consommation d’au moins 400g de fruits et légumes par personne et par jour (80-100kg/hbt/an. Selon le Professeur associé Biochimie et Technologie des Aliments Yann Madodé, au Bénin, «le niveau de consommation des fruits et légumes est de 107 g/hbt/jr ou 40kg/hbt/an avec un gap d’environ ¾ des apports recommandés». Parmi ces fruits et légumes on retrouve entre autres, la carotte, la pomme de terre, la laitue, la grande morelle (Gboman), l’amarante, le vernonia, le moringa, la menthe, la tomate, le gombo, le piment, le concombre et le poivron.
Par ailleurs, la plupart des populations interrogées à Parakou sur la consommation des légumes ont fait savoir qu’elles n’ont pas souvent le réflexe de demander les produits chimiques avec lesquels les fruits et légumes sont produits ni leur provenance. «Non, je ne demande pas. Juste parce que je me dis que ça provient sûrement des jardins et là, ce sont des produits biologiques qu'ils utilisent. Nous arrivons à vite savoir s’ils sont produits à base de produits chimiques ou biologiques par la couleur, et en plus, ils pourrissent vite si l'on veut les conserver», a confié Charlotte Athiou, une consommatrice rencontrée dans la ville de Parakou. Pour le Président de l'Association pour la Défense des Consommateurs du Septentrion (Adcs) August Nougbodjihi, des agriculteurs ont été interpellés sur cette question. «Des interpellations sont restées sans suite favorables car, ces agriculteurs disent n'avoir pas d'autre solution. Pourtant, des terres sont appauvries par ces pratiques à haute taille. On ne peut se soumettre à cette pratique», a-t-il déploré. De son côté Lucresse Idjiwa, consommatrice a fait remarquer que «la première différence se fait remarquer au niveau du coût d'achat. Les produits à base de produits chimiques sont moins coûteux par rapport à ceux à base de produits biologiques. En ce qui concerne les fruits, la différence se fait sentir au niveau du goût».
Des impacts sur la santé
La consommation des légumes produits à base des intrants chimiques n’est pas sans conséquences sur l’organisme. Interrogé sur cet aspect sanitaire, le médecin, Dr Moussa Ayédoun, se désole de ce constat malheureux. «Force est de constater aujourd'hui que la majorité de ce que nous consommons n'est plus naturel. Et c'est bien un constat malheureux. Aujourd'hui, nous nous posons des questions, à savoir comment nos parents faisaient pour avoir 100 ans, pour avoir 120 ans, avant de mourir. Et qu'aujourd'hui, l'espérance de vie, c'est autour de 70 ans. Je pense qu'il faut qu'on questionne notre alimentation», a-t-il laissé entendre. A l'en croire, les conséquences de la consommation de ces fruits et légumes sont à long terme et nombreuses. «Les conséquences ne sont ni à court ni à moyen terme. Les conséquences sont souvent à long terme, puisque nous consommons ces aliments chaque jour. On se demande, mais pourquoi de manière si brutale, j'attrape telle maladie, alors que je n'avais rien ?», a fait remarquer le Dr Moussa Ayédoun avant d'ajouter que «ça peut se révéler par un cancer. Et les cancers peuvent être à divers niveaux. Cela peut être un cancer au niveau de l'œsophage, ça peut être un cancer au niveau de l'abdomen, ça peut être un cancer au niveau anal. Bref, tout le trajet du bol alimentaire dans l'organisme, peut-être touché et développé d'un jour à l'autre, un cancer». Les problèmes les plus fréquents sont également les anomalies congénitales, la stérilité, les maladies neurologiques ou l’affaiblissement du système immunitaire. Ces résidus toxiques perturbent aussi les hormones des enfants et les empêchent de se développer convenablement. Il peut y avoir l’avortement spontané à cause de la malformation de l’enfant à naître.
Des mesures prises par les autorités
Un plan d’actions de contrôle et de réglementation des normes a été mis en place afin de limiter l’utilisation des produits chimiques. Ainsi, le gouvernement du Bénin conscient des enjeux majeurs sur la protection de la santé des consommateurs et de la qualité des produits a décidé de mettre en place un système de régulation fiable, de contrôle de qualité et de certification des produits selon les normes internationales. D’où la création de l'Agence Béninoise de Sécurité Sanitaire des Aliments (Abssa) qui a pour objectif d’assurer la sécurité sanitaire des produits. Selon Amadou Moumouni Mama, Chef du service de la réglementation et du contrôle à la Direction Départementale de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (Ddaep) du Borgou, la production des légumes est réglementée au Bénin par des lois notamment la loi cadre n°8409 du 15 mars 1984 sur le contrôle des denrées alimentaires, la loi n°87-015 du 21 septembre 1987 portant code d’hygiène publique. Il a ajouté que des documents techniques existent en matière de normes de production, de traitement et de distribution des fruits et légumes. «Nous avons les contrôles ordinaires où les agents vont au niveau des sites de production comme au niveau des marchés pour apprécier les produits en matière d’hygiène, de méthodes et de pratiques de production. Et les contrôles basés sur le risque qui consistent à faire des prélèvements que nous envoyons au niveau du laboratoire de l’Abssa à Cotonou pour des analyses», a-t-il expliqué. A l’en croire, des analyses peuvent révéler des microbes, des substances chimiques qu’on retrouve dans ces légumes. Ainsi, un plan de surveillance est mis en place afin de surveiller les sites de production et les points de vente. Tout ceci va déboucher sur un plan de contrôle beaucoup plus approfondi. «Suite à ces contrôles on peut sanctionner, on peut punir. Si on constate que cette manière de produire ou de distribuer dans les marchés peut amener des problèmes de santé publique, on peut décider d’interdire la production sur un site», a fait savoir Amadou Moumouni Mama avant d’ajouter qu’il y a «deux types de produits chimiques qu’on utilise en agriculture. Il y a les produits que l’Etat autorise et les produits importés frauduleusement. Quand vous allez dans nos magasins, vous allez voir les produits saisis qui ne sont pas homologués, qui ne sont pas autorisés». Il va falloir privilégier l'agriculture biologique, laver et éplucher correctement les légumes.
Les cris de cœur des consommateurs
Des consommateurs ont invité les autorités à renforcer leur système de surveillance. «J'aimerais demander à l'État de mettre en place des agents de contrôle pour qu'ils fassent régulièrement des visites dans les fermes et jardins afin de vérifier comment les agriculteurs produisent les fruits et légumes», propose Charlotte Athiou. Pour sa part, August Nougbodjihi, a fait savoir qu’il va falloir attaquer le problème par la racine c’est-à-dire du sommet de l’Etat jusqu’à la base. «La politique de développement du pays par l'agriculture peut aussi passer par la culture à grande échelle sans intrants chimiques ni pesticides qui nous mettrait au premier plan à l'international plutôt que cette culture qui ne fait qu'appauvrir nos terres et souiller les autres chaînes de cultures par ces engrais chimiques circulant du Nord au Sud», pense-t-il. Lucresse Idjiwa a invité les autorités de sensibiliser les acteurs de ce secteur sur l'impact des produits chimiques.
Trouver aujourd’hui des légumes produits à base d'intrants biologiques et 100% naturels est presque impossible. Toutefois, ce ne sont pas tous les consommateurs qui peuvent acheter des légumes et des fruits bios à cause de leur prix élevé sur le marché. Cependant, les populations doivent savoir que la consommation des fruits et légumes sains favorise le bien-être de leur organisme. Pour dire que la santé et la qualité n’ont pas de prix. Dans cette lutte, les gouvernants au sommet de l’Etat sont invités à prendre des décisions fermes afin de faire adopter aux producteurs l’utilisation des intrants organiques pour préserver la santé des populations.