UNE VIE UN METIER : Mohamadou Bio Bah Imam parle de sa carrière professionnelle . Tout sur le parcours de l’officier ingénieur des eaux et forêts

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UNE VIE UN METIER

Mohamadou Bio Bah Imam parle de sa carrière professionnelle

. Tout sur le parcours de l’officier ingénieur des eaux et forêts

Courage, abnégation, dévouement, sacrifice, ce sont les mots pour qualifier les 30 années de carrière de Mohamadou Bio Bah Imam. Officier ingénieur des travaux des eaux et forêts à la retraite, il s’est consacré durant son séjour dans ce service à la protection de la faune et de la flore qui sont des créatures très fortement menacées par l’espèce humaine mais sans moyens de défense. Ainsi, pour ce premier numéro de l’an 2020 de votre rubrique une vie un métier, votre quotidien est allé à la rencontre de Mohamadou Bio Bah Imam qui livre ici quelques temps forts de son parcours professionnel. Lisez plutôt.

Daabaaru : Pourquoi avoir choisi faire carrière dans le domaine des eaux et forêts ?

Mohamadou Bio Bah Imam : Très tôt dans notre tendre enfance, notre papa avait un cheval, et des moutons qu’on devait nourrir chaque jour. C’est des animaux qui avaient une alimentation propre à chacun d’eux. Donc déjà avec le fait de se rendre tous les jours en brousse pour chercher de quoi nourrir ces animaux, on a pu apprendre assez sur les espèces végétales en brousse mais aussi sur les animaux qui s’y trouvaient. Petit à petit la passion s’est installée et j’ai senti comme un devoir de protection envers ces espèces qui n’avaient personnes pour les défendre. Ce qui m’a donc amené à choisir la protection des végétaux quand il fallait choisir son métier.

Comment avez-vous donc intégré ce corps ?

Après mes études au Lycée Agricole Médji de Sékou dans la branche foresterie, j’ai été retenu à l’issue d’un concours ainsi que 3 autres camarades pour poursuivre les études à l’école forestière en Côte d’Ivoire. De retour au pays à la fin de mes études, j’ai été engagé par l’Etat en tant que contrôleur des eaux, forêts et chasse en 1982. Et ce fut le début d’une carrière très passionnante.

Comment étaient vos débuts de carrière ?

Il faut dire qu’à l’époque, on était déjà en pleine période révolutionnaire et étant dans l’armée on devait être très discipliné, ordonné et surtout travailleur tant qu’on voulait évoluer. On a donc travaillé dur pour montrer aux uns et aux autres qu’on méritait bien ce poste là. Il faut dire que travailler pour nous était un plaisir encore que aller en brousse voir les animaux, les herbes étaient ce qu’on a choisi et ce qu’on savait faire le mieux.

Quels sont les avantages de votre métier ?

Les avantages sont nombreux. D’abord avec ce métier, il n’y a pas question de sédentarité, on bouge assez. Aussi, faut-il notifier qu’il n’y a rien de passionnant que de protéger ce qui ne peut pas parler, ce qui ne peut pas bouger mais qui vit. Pour la petite histoire, quand j’étais chef cantonnement Djougou en 1985-1986, on était les premiers à instituer la journée de l’arbre dans cette commune en 1986 alors que les gens ne comprenaient pas encore trop l’importance. Mais aujourd’hui avec du recul, on se rend compte que les gens ont compris l’importance de ce qu’on faisait et laisser moi vous dire que quand je vais à Djougou aujourd’hui, c’est avec plaisir que je vois certains vestiges où des hommes, des femmes sont là assis sous des arbres que nous avons plantés avec des mains d’hommes. Vous ne pouvez pas savoir le plaisir que ça procure. De plus, conduire une expédition de chasse, c’est un plaisir, faire les feux d’aménagement pour que la savane puisse revivre, c’est un plaisir, aller en brousse protéger les animaux, c’est un plaisir. Par ce métier, c’est comme ci nous continuons l’œuvre de Dieu.

Qu’en est-il des difficultés ?

Sincèrement les difficultés on ne les voyait pas puisqu’on faisait ce métier par amour. Mais aujourd’hui avec du recul, je peux dire qu’on a connu de difficultés. Voyez-vous, aller expliquer aux autres l’importance de planter des arbres, l’importance de protéger, de réglementer la chasse, ce n’est pas du tout facile en son temps. Encore que la chasse dans le nord fait partie des cultures de ces peuples ce n’est pas du tout facile de leur faire comprendre qu’en dehors de ce côté socioculturel, les animaux doivent être protégés et qu’il y a des lois qui protègent ces espèces là, donc la chasse doit être organisée et guidée. Des difficultés, il y en a eu également lors de nos patrouilles dans le parc. Il est vrai que c’est notre travail, mais quand les armes tirent, quand ça crépitent ce n’est pas une partie de plaisir. Vous conduisez des hommes que vous devez ramener à la maison, mais que tout à coup ça commence par tirer de tous les cotés, vraiment je ne veux pas vous voir assister à ça.

Quels sont les moments qui vous ont marqué positivement au cours de votre carrière ?

Ce moment que je n’oublierai jamais, c’est mon séjour dans le parc national de la Pendjari. J’étais le responsable de l’aménagement technique et de l’entretien. A l’époque, le parc était un gros ensemble sans piste valable en tant que telle. Ainsi, sous la direction de mes autres collègues, alors que je pilotais le volet de l’aménagement, nous avons pu ouvrir et mettre en état de forme, la majorité des pistes du parc national de la Pendjari. Nous faisons partir des premiers à faire ce travail. Ce qui est fait aujourd’hui est la suite de ce que nous avons entamé à l’époque et tout ce travail donne aujourd’hui à ce parc l’image qu’elle présente. Je suis fier d’avoir contribué à la valorisation de ce patrimoine naturel qui fait aujourd’hui partie des sites les plus visités par les touristes. Nous avons commencé ce chef d’œuvre dans les années 86, et l’année 1988 a été l’année de gloire du projet aménagement des parcs nationaux.

Contez-nous les moments malheureux de votre carrière ?

Comme moment malheureux, c’est surtout l’inondation du parc de la Pendjari. Ça fait mal de voir un travail de plusieurs jours, de plusieurs sacrifices partir comme ça, suite à une inondation. C’était dans les années 86 après une pluie, une nuit. On a assisté à un débordement total du parc ayant conduit à la dégradation des pistes et la mort de plusieurs animaux du parc, la nature a été remise en cause à l’intérieur du parc. C’est un évènement qui m’a particulièrement marqué. Dans ce métier, il faut dire qu’on était exposé à toute sorte de danger, c’est un métier où la vie et la mort se côtoient au quotidien.

Je me souviens encore de ce jour là où mon petit garçon, alors que je m’apprêtais à embarquer pour une mission dans un pays de la sous région, est venu me garder par la main avec les larmes aux yeux en me suppliant de ne pas partir, car si je perdais la vie là-bas, il n’y a personne pour payer ses études. Ça m’a beaucoup touché au point où j’en ai pleuré. Je l’ai rassuré que je partais pour revenir et grâce à Dieu ça été le cas.

Un message à l’endroit de la jeunesse ?

Comme j’ai l’habitude de le dire, faites ce qui vous fait plaisir pour ne pas être prisonnier, esclave de votre travail. Votre travail devrait être ce qui vous épanouit le plus. On ne peut pas dire par exemple à quelqu’un qui a peur des animaux, qui n’aime pas la nature, qui ne peut pas vivre en brousse d’aller faire la foresterie, c’est impossible, il passera ses 30 ans de carrière dans la misère pas parce que ce métier n’est pas rentable, mais tout simplement parce qu’il a embrassé ce corps sans aucun amour pour la chose. Alors, une fois encore, tant que vous avez la possibilité, faites ce qui vous procure du plaisir.

Votre mot de la fin ?

Avec aujourd’hui ce que nous avons comme système d’information, l’homme a pu aller sur la lune, sur mars mais on a jamais trouvé un oiseau ni une fourmi. C’est le silence total. De l’espace, quand on regarde la terre, on trouve que c’est trop beau, c’est merveilleux. Nous avons l’air gratuit pour respirer, ce qui n’existe pas ailleurs. Notre planète terre est un joyau, ce que les gens ne comprennent pas. Ensemble, que nous soyons forestier, enseignant, journaliste, nous devons tous aimer la nature et la protéger, c’est un devoir citoyen. J’invite donc tous ceux qui nous lisent à veiller à ce que leur cadre de vie soit sain. Vivons avec les animaux, vivons avec les fleurs, vivons avec les arbres, veillons à ce que tout soit conforme. Je vous remercie.

Propos recueillis et transcrits Samira ZAKARI

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