VIE D’UN MEDECIN CHIRURGIEN : Retour sur les 36 ans d’activité du docteur Irénée Zinflou

5 ans ago | Written by
20 606 vues
0 0

VIE D’UN MEDECIN CHIRURGIEN

Retour sur les 36 ans d’activité du docteur Irénée Zinflou

Chef incontesté du bloc opératoire, le chirurgien exerce chaque jour dans le but de soigner les patients et de sauver des vies. Son rôle est de pratiquer des interventions chirurgicales sur des personnes victimes de fractures, de tumeurs ou de malformations. A Parakou, Irénée Zinflou se présente comme une référence dans le domaine de la médecine et plus précisément en chirurgie à cause de la qualité de ses soins et du sérieux et la rigueur accordés à son métier. Et c’est pour en savoir plus sur ce métier de chirurgien et sur la vie professionnelle du docteur Zinflou que votre quotidien est allé à la rencontre de ce dernier qui parle de ses 36 ans de carrière. Lisez plutôt

Samiratou ZAKARI

Daabaaru : pourquoi avez vous choisi faire carrière dans la médecine ?

Irénée Zinflou : Je suis allé vers la médecine par nécessité. Quand j’étais encore jeune, j’ai vu ma petite sœur mourir sous mes yeux alors que les médecins n’ont rien pu faire pour la sauver. Alors c’est depuis ce temps que j’ai pris l’engagement de faire carrière dans la médecine quand je serai grand pour que plus personne autour de moi ne s’en va comme ça. Ainsi après mon bac, j’ai eu la chance de bénéficier d’une bourse de l’Oms pour faire mes études de médecine au Cameroun. Après ces études qui ont duré 6 ans, j’ai voulu encore continuer ce qui m’a amené en France où j’ai fait la spécialisation en chirurgie.

Parlez- nous de vos débuts dans le métier

A la fin de ma formation, j’ai eu mon premier poste là-bas en France où j’ai travaillé jusqu’en 1982. C’est à cette époque que mes parents et mes beaux parents vieillissant, m’ont demandé de rentrer au pays. C’est ainsi que je suis rentré au Bénin avec ma famille puis j’ai commencé ma carrière au Chd/Borgou en tant que médecin stagiaire. Bon, le début ce n’était pas mal même s’il faut dire que les réalités au Bénin et la France n’étaient pas les mêmes. Chez les blancs tout était bien organisé ce qui n’était pas le cas ici.

Quels sont les avantages liés à votre métier ?

Il faut dire que le médecin généralement quoi qu’il arrive ne manque jamais de quoi se nourrir. Quand on est médecin et qu’on fait bien son travail on bénéficie de cela. Comme exemple quand on est médecin et qu’on suit un malade qui arrive à recouvrir sa santé, suite aux traitements, forcément ce dernier parlera toujours de nous, et c’est une fierté. Le médecin est celui là qui sauve des vies, et il n’y a rien de plus merveilleux que cela. Ça paye toujours même si c’est sur la durée.

Qu’en est-t-il des difficultés ?

Les difficultés elles sont énormes. Et d’abord, il faut préciser que j’ai fait trois ans dans la fonction publique, j’ai quitté donc en 1985 pour m’installer en privé. Je dirai que ma peau ne plaisait peut-être pas forcément à tout le monde. J’ai intégré la fonction publique en tant que médecin stagiaire alors qu’il y avait des gens que je dépassais en diplôme, ça frustrait forcément même si c’est la règle. J’ai quitté en 1985 pour m’installer en privé après avoir eu l’autorisation du ministre avec l’aide de mon épouse.
Alors, pour revenir à la question, il faut dire que la médecine est un secteur très sensible. Tantôt on peut paraître bon et tantôt nul. Et c’est là, c’est plus dur pour celui qui exerce en privé car en cas d’erreur dans le traitement d’un malade c’est le médecin qui répond alors que en public c’est tout l’hôpital qui répond. Aussi on a les risques sanitaires. Le médecin dans l’exercice de son métier est trop exposé. En cas d’une épidémie dans une région par exemple, le premier exposé est le médecin de la zone. Les risques et difficultés, il y en a assez.

Quel a été le moment le plus heureux de votre carrière ?

Bon, là je vais conter l’histoire de ce jour là où notre pays a connu des mouvements de soulèvement et une personne a été atteinte par balle. Elle a été conduite et déposée dans la cour de notre hôpital sans aucun message qui nous permettrait de l’identifier. On ne le connaissait de nulle part mais mon équipe et moi on a malgré cela pris le risque d’essayer de sauver cette personne. Grâce à Dieu elle a été sauvée et j’étais vraiment content. Même si ce travail et ce risque pris nous a pas été reconnu. Guérie, cette dernière est retournée dans sa vie de costume et recevait des félicitations de part et d’autres alors que nous les principaux auteurs de sa vie sauvée, sommes restés dans l’ombre. Mais moi j’étais en tout cas très fier d’avoir pris le risque et que cela ait marché alors que le pire aurait pu arriver.

Et quels ont été donc les moments malheureux de votre carrière ?

Comme moment malheureux, en tant que père je n’ai pas pu voir mes enfants grandir à cause de mon travail. Mon travail me prenait tout mon temps et même pendant les fêtes comme Noël que tout le monde passe en famille, moi je les passais toujours à l’hôpital loin de ma famille. Je m’en veux tellement pour ça.
Aussi, j’ai reçu un jour une patiente qui a succombé sous mes yeux et je n’ai rien pu faire pour la sauver. Elle est d’une certaine croyance religieuse qui interdisait le recours à nos services. J’ai passé du temps à négocier avec ses proches qui étaient là pour que j’intervienne d’urgence mais ces derniers ont catégoriquement refusé toute intervention et finalement la patiente est décédée. Cela m’a beaucoup touché car si seulement je m’occupais de cette patiente tôt, elle n’allait pas succomber mais je ne pouvais rien, je me devais de respecter leur décision

Une anecdote

Comme anecdote, il s’agit de cette petite fille là qui à avaler une pièce d’argent et a été conduite d’urgence dans ma clinique. Vu le cas, il fallait l’opérer d’urgence pour récupérer la pièce. Et c’est ce que j’ai fait, j’ai ouvert immédiatement la trachée pour pouvoir retirer l’argent mais quand les parents ont constaté ça, ils se sont révoltés comme quoi j’avais égorgé leur fille. Ils avaient tellement dramatisé que moi même en tant que médecin je me suis demandé un instant si j’avais pris la bonne décision en opérant la fille. Mais aujourd’hui cette dernière est devenue une grande dame et mère.

Un message à l’endroit de la jeunesse

Aux jeunes, je leur dirai qu’on ne devient pas médecin juste pour le prestige de ce métier, mais parce qu’on se sent capable de venir au secours des autres, parce qu’on se sent capable de sauver des vies. Alors je leur dirai de se mettre réellement au travail, de chercher à avoir la connaissance. Le tout ne suffit pas de se faire appeler médecin, mais de prouver qu’on mérite réellement ce nom.

Votre mot de la fin

Je vous remercie pour cette occasion que vous m’accordez de parler de moi. Plein succès à vous.

Article Categories:
A la une · Expérience d'une vie

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Daabaaru