MARIAGES INTERETHNIQUES NORD-SUD AU BENIN : Quand l’amour brise les barrières ethniques, historiques et sociologiques

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MARIAGES INTERETHNIQUES NORD-SUD AU BENIN

Quand l’amour brise les barrières ethniques, historiques et sociologiques

Le Bénin est un petit pays de l’Afrique de l’Ouest avec un peuple partagé entre une kyrielle d’ethnies dispersées sur son territoire du Nord au sud. Chaque ethnie au Bénin a ses us et coutumes qui parfois diffèrent fondamentalement de ceux des autres. Cette différenciation est plus notée de manière générale entre les peuples de la partie méridionale et ceux de la partie septentrionale du pays. De même, plusieurs faits historiques et sociologiques ont marqué ces deux peuples et ont laissé des souvenirs qui longtemps, ont semé les germes de la méfiance entre ces peuples. Cette situation a rendu difficile voir impossible l’union conjugale entre les deux peuples des décennies durant. Mais de plus en plus, le temps aidant et la situation évoluant, les mariages interethniques nord-sud au Bénin se présentent aujourd’hui comme un élément fort de l’unité nationale. Quand l’amour brise les barrières ethniques, historiques et sociologiques, l’unité nationale trouve tout son sens.

Barnabas OROU KOUMAN

L’amour est aveugle, a-t-on habitude d’entendre. Ainsi, ce sentiment qui nait de manière hasardeuse fait briser parfois certaines barrières culturelles pour s’épanouir. Au Bénin, ces genres de situation sont remarqués presque tous les jours dans le pays débouchant souvent sur des célébrations de mariages en trompe ou encore sur des déchirements entre les individus au détriment de l’amour.

De l’impossible union des personnes d’origines différentes

Il y a quelques décennies en arrière, surtout dans les années 60, peu de parents nordistes acceptaient que leurs filles ou fils épousent quelqu’un du sud. La même attitude était remarquée chez les peuples du sud. « Les sudistes considèrent les peuples du nord comme des peuples non civilisés tandis que ceux du nord traitent de barbares les ressortissants du sud », explique Bossoukpè Dognon sage originaire du Sud Bénin vivant à Parakou depuis plus d’un demi-siècle. La situation s’est empirée avec certains événements politiques surtout lors du gouvernement tricéphale de Maga-Ahomadégbé-Apithy, a laissé entendre l’octogénaire. Ceux qui ont essayé de briser ces principes sociétaux en ce moment pour donner libre cours à leur amour, étaient devenus du coup la risée des deux familles. Par conséquent, ils étaient obligés d’aller vivre loin de leurs communautés.
Pour le sociologue, docteur Aboubakari Imorou, « le poids de l’histoire a créé une phobie, une sorte de peur. Quand l’individu veut se marier à une femme du sud, c’est un saut dans l’inconnu ».
Quand le temps brise les barrières
La situation a cependant évolué avec un fort brassage entre les familles du Nord et celles du Sud par les liens du mariage. « Mes deux filles se sont mariées aux hommes du sud. L’aînée est allée à Porto-Novo et la cadette à Agonlin. La deuxième femme de mon garçon est de Ouidah, et d’ailleurs c’est elle qui me prépare à manger, elle connait tout sur moi », a confié Adjaratou Baboni la soixantaine environ, retraitée des impôts.

Les facteurs favorisants le brassage

« Le général Mathieu Kérékou est à féliciter sur ce point. Au temps de la révolution de 1972 à 1990, il a su instaurer l’unité nationale par des affectations des fonctionnaires d’Etat qui étaient obligés de vivre loin de leurs communautés. Ce qui a favorisé l’intégration et le brassage », a compris Jean N’Koué, instituteur à la retraite. Il ajoute par la suite, « j’ai servi dans plusieurs villages du sud Agoué, Bopa, Panhouian… et j’ai pris une femme de Comé ». En plus des mutations, le service militaire obligatoire instauré par le président Kérékou, a été très favorable pour le brassage.
Sur le plan de la religion, l’explosion des églises de réveil dans le pays est aussi un facteur favorable pour les mariages interethniques au Bénin. « A l’église le mariage est célébré selon les normes bibliques. Ce sont les conjoints qui se choisissent sous l’impulsion du saint Esprit. Ce choix n’est aucunement lié à des considérations ethniques ou régionalistes. D’ailleurs, en Christ il n’y a plus de barrière », a fait comprendre Bonou Benjamin, pasteur d’une église évangélique à Abomey-Calavi.
La scolarisation constitue également un élément fondamental de l’évolution de cette situation. A l’école les élèves se familiarisent les uns aux autres et arrivent à transcender certaines barrières ancestrales.

A tout cela, s’ajoute l’effet de la diaspora

 Lorsque les béninois se retrouvent à l’extérieur notamment en Europe, ils arrivent à s’accepter facilement. Même si ces derniers venaient des tribus ennemies. Ce qui favorise le brassage. « Mon fils a rencontré sa femme qui est une Bariba en France. Ils étaient dans la même université. Aujourd’hui, ils sont heureux dans leur foyer. Au début, j’étais réticent face à leur union parce que je me demandais si cette fille pourrait comprendre les réalités de la culture d’Abomey », témoigne Boniface Ayidjinou, octogénaire originaire du plateau d’Abomey.

Les nouveaux facteurs de résistance

Certes, la situation a évolué mais certaines personnes restent encore attachées à certains préjugés qui ne permettent pas ce brassage à travers le lien du mariage. «  Moi je ne vais jamais épouser une femme du nord parce que l’adultère ne dit rien aux femmes du nord. Or, chez nous à Porto-Novo, l’adultère de la femme est sévèrement condamné !», s’exclame Gratien, étudiant à l’université de Parakou. Cette opinion est d’ailleurs acceptée par Maïmounatou Iliassou vendeuse à Parakou, « je ne vais jamais conseiller ma fille à épouser un homme du sud, parce que les gens du sud sont mauvais avec la sorcellerie. Et encore, ils ne s’occupent pas bien des enfants et de la femme ».
Cette manière de voir les choses reste encore inculquée dans l’esprit de bon nombre de citoyens. Souvent, ces stéréotypes naissent à partir de certains cas isolés. D’une déviance notée chez un individu, on étiquette tout un groupe ethnique ou toute une région. Or, on n’oublie parfois que le comportement d’un individu n’est pas seulement lié à son appartenance à une ethnie, il y a l’influence de l’éducation reçue, des caractères personnels, des humeurs et même de certains événements étroitement liés à la vie de cet individu et non à sa communauté.
Au demeurant, le mariage interethnique nord-sud au Bénin a de beaux jours devant lui car les frontières entre les peuples se fragilisent au jour le jour laissant libre cours à l’amour qui continue d’être ‘’aveugle’’ pour beaucoup de jeunes béninois. Au vu de l’importance de ces liens dans la construction de la Nation, l’Etat doit penser à un prix pour encourager les couples mixtes qui ont pu résister pendant des décennies dans le mariage sans divorcer malgré leurs différences ethniques.

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