PRESERVATION DES PLANTES MEDECINALES AU BENIN
Un défi pour la médecine traditionnelle
Nul n’ignore la prépondérance de la médecine traditionnelle dans le système sanitaire des béninois. Cette médecine qui repose sur l’utilisation des éléments tirés de la nature, est le premier recours de bon nombre de béninois en cas de maladie, et le dernier là où la médecine moderne a échoué. Mais aujourd’hui, les professionnels de cette médecine ancestrale éprouvent assez de difficultés dans l’approvisionnement des plantes. Une situation qui n’est pas sans conséquence et qui interpelle la conscience de chaque citoyen surtout les tradipraticiens qui ont une grande part de responsabilité dans la préservation de ces espèces.
Débora YAROU (Stg)
« Le karité à beaucoup de vertus, le moringa ne l’atteint même pas en vertu. Le Moringa peut par exemple faire plus de 300 recettes lui seul mais le Karité lui dépasse ça. Mais il s’en va disparaître », déplore Adam Affo, président départemental de l’Association des Praticiens de la Médecine Traditionnelle Borgou-Alibori. Le caïlcédrat, la citronnelle, le baobab, le kinkéliba, le karité, autant de plantes qu’on ne saurait citer exhaustivement sont utilisées en médecine traditionnelle pour soigner plusieurs troubles et maladies. Il en est de même de la médecine moderne qui utilise certains végétaux pour la fabrication de certains médicaments.
Mais la grande demande des plantes médicinale au Borgou dont la majorité est cueillie en brousse et dans les forêts menace certaines d’entre elles d’extinction. Ainsi donc, il faut parcourir beaucoup de kilomètres au Bénin et parfois hors du Bénin pour avoir certains végétaux vertueux. C’est ce qu’a fait comprendre Sylviane Bossou Attoro, vendeuse de plantes médicinales au marché dépôt de Parakou. « Pour trouver les plantes, on commande ça à Cotonou, Lomé et Abomey. Nous avons beaucoup de fournisseurs qui nous les amènent. Mais ici aussi on trouve un peu. Les femmes vendeuses de bois et de plantes médicinales nous amènent aussi les plantes. Je voyage, je vais au Ghana, je parcours tous les pays. C’est difficile de trouver pour nous ». Par contre pour le président départemental de l’Association des Praticiens de la Médecine Traditionnelle Borgou-Alibori, même si certaines plantes médicinales sont menacées d’extinction, « au Bénin nous n’avons pas encore un tel problème, une telle difficulté. Si non ailleurs… ce n’est pas comme ça. Pour trouver une feuille d’arbre il faut la croix et la bannière. Ici nous avons cette facilité pour le moment ». C’est ce que confirme le Chef de l’inspection forestier du Borgou, le lieutenant-colonel Théophile Abaro Sinadounwirou en faisant savoir « nous pouvons dire que au niveau du Borgou du fait de l’existence encore des archères, de l’existence des forêts classées, de l’existence des forêts sacrées, de l’existence des forêts galeries, on trouve encore des plantes qui aident dans la pratique médicinale traditionnelle… Pour les quelques plantes communément utilisées, je sais que beaucoup de plantes médicinales sont de plus en plus rares ou sont retrouvées de plus en plus loin des milieux ruraux et urbains ».
Les causes de la rareté de certaines plantes
Beaucoup de facteurs sont à la base de la menace d’extinction de certaines plantes médicinales. A en croire le chef de l’inspection forestier, « les causes de la raréfaction, de la disparition de beaucoup de plantes médicinales sont des causes d’ordre beaucoup plus anthropiques. Ce sont les actions de l’homme et on peut citer par exemple l’agriculture itinérante que nous menons. Lorsque les gens veulent installer leur champ, ils détruisent surtout les lieux ; ils détruisent toutes les plantes qui sont sur la superficie sans distinction. Ça c’est un facteur qui entraîne la disparition de ces plantes ». Le lieutenant-colonel indexe également le mode d’exploitation de ces plantes médicinales. « Vous avez une plante médicinale dont la racine est beaucoup recherchée, lorsque la plante existe dans un milieu, la mauvaise méthode de collecte de ses racines fait que les plantes meurent. Si ce sont des racines, des individus vont chercher les racines, creuser et couper pratiquement toutes les racines de l’arbre et l’arbre n’arrive plus à soutirer les éléments nutritifs du sol et par conséquent meure ». Il a également fait savoir que « l’autre mauvaise pratique, c’est peut-être l’écorce. On enlève normalement l’écorce de façon à permettre à la sève de monter et de descendre. Mais non, des gens vont, enlèvent l’écorce complètement tout autour de l’arbre, et empêche la circulation de la sève. Peu de temps après l’arbre meure et ainsi de suite cette plante est donc en train de disparaître ». Mise à part cela, le chef de l’inspection a évoqué la collecte totale des feuilles ainsi que des fleurs empêchant ainsi la reproduction de ces plantes. Par ailleurs, les feux de brousses incontrôlés sont un facteur de disparition des végétaux vertueux.
Mesures de prévention des plantes médicinales
Au vue de l’importance des plantes et des plantes médicinales en particulier, il est important de mettre en œuvre des moyens pour la pérennisation de celles qui sont en voie de disparition. Aux dires du lieutenant-colonel Théophile Abaro Sinadounwirou, chef de l’inspection forestier du Borgou, pour la protection des plantes, « la première action c’est d’abord la sensibilisation, la communication avec les différentes catégories de personnes à travers les radios locales. il y a parfois des séances ciblées avec les agriculteurs, parfois avec les acteurs de la médicine traditionnelle pour rappeler les bonnes pratiques de collecte des différents organes au niveau des plantes en vue d’assurer la pérennité des plantes ». En dehors de ces mesures, il faut noter que la loi protège certaines plantes dont la destruction entraîne sanction, il y a aussi la dénonciation des personnes qui font de mauvaises pratiques de collecte des écorces. L’une des mesures fortes de protection des plantes médicinales dans le Borgou notamment à Parakou est le projet de création des jardins botaniques à raison d’un par arrondissement dans cette commune. Cette mesure a été initiée par une association des tradipraticiens de Parakou Barutem Tim et approuvée par la mairie de Parakou. Autant de mesures donc pour assurer la pérennisation.
Il faut noter que l’objectif de création de ces jardins est de permettre aux tradipraticiens nationaux et même internationaux d’avoir à porter de main les plantes rares au Bénin.
Ainsi donc, la protection des plantes médicinales dans le Borgou ainsi qu’au Bénin est un combat qui demande l’implication de tous.