UNE VIE, UN MÉTIER : À cœur ouvert avec Sébastienne Akogbéto . « La couture m’a nourri durant tant d’années », a-t-elle reconnu

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Dans ce numéro de la rubrique “Une vie, un métier” nous allons à la rencontre d’une dame exceptionnelle qui a beaucoup contribué à l’autonomisation de plusieurs jeunes filles à travers son métier. Sébastienne Houndéton Akogbéto, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a travaillé en tant que couturière pendant une trentaine d’année. Un métier qui lui a permis de former de nombreuses filles qui sont aujourd’hui indépendante financièrement et font la fierté de leur famille. Des hauts et des bas, la mémé Sébastienne Houndéton Akogbéto âgée de 84 ans en a connu dans sa vie professionnelle comme privée. Elle livre tout, à travers cette interview. Lisez plutôt. 

Samira ZAKARI

Daabaaru : Présentez-vous à nos lecteurs

Je réponds au nom de Sébastienne Houndéton Akogbéto, née en 1939 à Bembéréké Gando. Je suis la fille de feu Christophe Akogbéto et de feue Joséphine Sériki très connue sous l’appellation de ‘’Nannan’’ ou encore ‘’maman séminaire’’ parce qu’elle a travaillé comme ménagère et cuisinière au séminaire Notre Dame de Fatima à Parakou. Originaire de Porto-Novo, j’ai passé une bonne partie de ma vie dans le nord parce que mes parents géniteurs ont migrés du Sud au Nord. Je suis nantie du Certificat d’Etudes Primaire (Cep). Il faut dire aussi que je m’exprime bien en fon, en goun, en yoruba, en Dendi et en Bariba. Certains pensent que je suis Bariba et j’accepte même fièrement de l’être. Je pratique la religion chrétienne catholique et je suis mère de deux enfants.

Dans quel secteur avez-vous travaillé ?

Je n’ai pas été agent de l’État, mais je suis restée à mon propre compte et j’ai participé d’une manière ou d’une autre à la formation de nombreuses jeunes filles de ce pays. J’ai appris la couture chez les sœurs de la famille religieuse des sœurs Notre Dame des Apôtres à Kpébié, là où se situe actuellement le collège les Hibiscus. C’est en 1963 que j’ai commencé ma formation avec la sœur Marie- Colette. J’ai passé environ quatre années d’intenses activités, couture, la layette, la broderie et tout ce qu’une jeune fille devrait savoir faire et connaître avant d’aller fonder un foyer avec un homme. De façon plus détaillée, on faisait des emballages pour les cadeaux de mariage, baptême, anniversaire et autres. Elles m’ont appris également à coudre la soutane des prêtres et à décorer une voiture de mariage. En un mot, c’était l’enseignement ménager où la théorie et la pratique étaient de mise au cours de la formation.

Après ma formation, j’ai ouvert mon atelier, “Akos Couture” d’abord à Camp-Adagbè à Parakou où beaucoup d’apprenantes ont appris le métier et ont reçu leurs diplômes. J’y suis restée une bonne vingtaine d’années avant de rejoindre ma mère qui a pris de l’âge et avait donc besoin de mon assistance. Je l’ai donc rejoint à Zongo chez elle où j’ai construit mon atelier grâce aux économies que je faisais et grâce aussi au soutien matériel (achat de machines à coudre), de mes frères.

J’ai eu près d’une cinquantaine d’apprenties qui se sont succédées pendant toutes ces années. Je suis également passée comme formatrice au Centre féminin d’apprentissage de couture à la paroisse Marie Auxiliatrice grâce au révérend Père Fermine Nuevo, curé d’alors de ladite paroisse. Et c’est par la sœur Marie Laetitia que le père m’a appelé pour renforcer l’équipe des formatrices. Je leur ai appris la théorie et la pratique parce qu’une bonne couturière même sans prendre les mesures du client peut bien lui coudre une tenue correcte. L’autre chose, est que les filles que j’ai formées sont capables de coudre pour tout âge, elles doivent également être polyvalentes.

Pourquoi avoir choisi ce corps de métier ?

On ne pouvait pas tous être fonctionnaires surtout que mon frère jumeau Sébastien est allé vers la santé et le grand frère Valentin vers l’enseignement. Il fallait donc que moi j’aille vers l’apprentissage d’un métier. Ce sont donc eux qui m’ont fait la proposition et je n’ai pas hésité à faire comme ils ont voulu. J’avoue qu’ils m’ont aidé et soutenu et c’est le moment de leur réitérer mes sincères remerciements.

Quels sont les avantages de votre métier ? 

Comme tout métier, la couture m’a nourri durant tant d’années. J’ai pu subvenir à mes propres besoins, aux besoins de ma mère, de mes enfants et de toute la famille en général. J’ai construit mon atelier grâce aux économies que je faisais par ci et par là. Quand on est couturière, on se fait sa propre garde-robe, on prend soin de sa tenue vestimentaire parce qu’il faut absolument fidéliser une clientèle même si parfois dit-on, le cordonnier est mal chaussé. De mon expérience, j’y ai tiré mon profit et le métier m’a permis de m’épanouir.

Qu’en est-il des difficultés ?

Je préfère parler de contraintes et d’obligations car, je faisais avec mes apprenties des veillées surtout à l’approche de certaines fêtes parce qu’il y avait beaucoup de commandes et le client ne veut pas entendre que sa tenue n’est pas prête. Dieu même a dit que l’homme doit travailler et gagner son pain à la sueur de son front. Dans tout travail, les difficultés ne manquent pas, c’est plutôt à chacun de les surmonter pour aller de l’avant. Tout ça a agi sur ma santé (j’ai souffert de maux d’yeux) et quand je suis allée voir le médecin après des analyses, il m’a dit que c’est mon métier car, durant toutes ces années, mes yeux ont été surexploités. Je mettais le fil dans le petit trou d’une aiguille. Je rends grâce à Dieu qui me maintient chaque jour en bonne santé. Je fais la marche quotidiennement également pour aller visiter mes locataires soit à Zazira, à Tranza et à Camp-Adagbè.

Racontez-nous un événement qui a marqué positivement votre carrière ?

Beaucoup d’événements ont marqué mon parcours professionnel mais je voudrais partager un avec vous aujourd’hui qui m’est resté en esprit. Le Président Hubert Koutoukou Maga en compagnie de sa fille Brigitte à l’occasion de la fête de fin d’année visitait régulièrement les orphelins lors de ses passages à Parakou. Il aimait beaucoup les œuvres caritatives et c’est ça qui m’a touché. Quand il venait, il nous donnait un billet neuf de 1000 f c’était dans une belle ambiance.

Un mot à l’endroit de la jeunesse

Je voudrais que les jeunes prennent au sérieux l’apprentissage, le choix du métier en langue fongbé on parle de ‘’doumavo’’, c’est-à-dire que c’est une mine ou une source intarissable le métier. Ce n’est pas parce qu’une patronne crie sur son apprenti qu’on dira que cette dernière ne l’aime pas, non, mais la patronne pour avoir déjà fait l’expérience, met l’apprentie sur le bon chemin. Et je salue aussi l’actuel gouvernement qui valorise aujourd’hui nos métiers. Les jeunes doivent saisir toutes les opportunités et se faire former pour leur propre bien-être d’abord dans la société et pour leur famille. On ne mange que ce que l’on a semé.

C’est toujours au bout de l’ancienne corde qu’on tissé la nouvelle, mon vœu également est que le gouvernement associe dans la mesure du possible les anciens et anciennes couturières qui ont encore la capacité physique à donner des formations/appuis ou à partager leurs expériences avec les jeunes dans un cadre bien défini.

Votre mot de la fin

Pour mettre un terme à mes propos, je tiens à remercier le journal Daabaaru pour cette belle initiative de la rubrique qui permet au gens de parler de leur carrière professionnelle, surtout quand ils ont bouclé un certain nombre d’années d’expériences dans le métier. Je m’en voudrais si je ne remercie pas toutes les personnes de bonnes volontés qui m’ont aidé à organiser mes cérémonies (libération) de diplômes de mes apprenties. Je pense particulièrement à monsieur Pierre Tognon et à l’artiste Vovo vilop, sans oublier les prêtres et religieuses, et tous les autres, la liste est longue. Je n’oublierai pas de saluer les membres de ma famille (Adolphe, Koseph, leurs épouses, les enfants Akogbéto, les enfants Hessou, toutes les familles alliées et celle de la famille de ma mère (Honoré Adjabla son épouse et ses enfants, Madeleine, Augustin et Martin Cakpo, Marc Agbadjagan…). Docteur Joseph Agossou et son épouse, et toutes les personnes qui me reconnaîtront à travers mon interview.

Aimons nous vivants, n’attendez pas que vos proches meurent avant de leur montrer votre affection, l’amour doit être tous les jours, rendez visite à vos amis et connaissances, donnez leur ce que vous avez de plus précieux de leur vivant car tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu.

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